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<<  Unbastardized glory (2020) - a letter to JBS

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Je pense à la relation construite entre énergie créatrice fondamentale et pro-motion : relation construite (un peu) par les études, par l’apprentissage, (beaucoup) par la professionnalisation, la politique, l’économie de marché, le numérique et les réseaux sociaux, la consommation, la mode en général ; et peut-être aussi, non pas construite mais entretenue par une certaine influence géographique : esprit urbain versus esprit champêtre (?) ; climat tempéré (qui connaît la rigueur et où la haute activité réchauffe) versus climat tropicalo-méditérannéen, où la haute activité surchauffe (?) Dans ce sens je pourrais aussi prolonger en illustrant le propos à travers l'indémodable classico Marseille vs Paris. Mais enfin non, ce type de stéréo pourrait rendre le tout assez inaudible, et c'est assez me lancent les pompiers, marins, ici c'est ainsi.

Si on retire le préfixe pro- à promotion, il reste le radical motion : le mouvement pur, brut, radical. Qu’il soit déplacement (physique), mouvement psycho-physiologique (é-motion), et/ou seulement acte langagé, c’est la sémiose, le mondain, de Georges Molinié. Motion, mouvement dépouillé, au plus pur, impulsion au plus désintéressé, au plus autosuffisant. Je dis "désintéressé le plus possible" car la rhétorique est omniprésente, toujours déjà là à la moindre petite expression. Et ceci à travers un ou des effet.s qui surviennent inéluctablement (le maître est peut-être celui qui manipule la forme, certes, mais aussi les effets. Autrement dit, celui qui prévoit l’adéquation entre forme crée et perçue, entre intention singulière et réception plurielle. Et ce qui se situe au-delà de l’interprétation, il s’en délaisse volontiers, l’œuvre vit sa propre vie, il s’en réjouit ou pas. Il est vrai que les contre-sens eux sont toujours regrettables. Jusqu’à récemment, je ne comprenais pas les artistes qui, anti-promotion s’il en est, à un moment détruisent leurs œuvres. Ou, moins fatidique et plus courant, qui, de façon chronique, peinent à les regarder, à les écouter, à y revenir. Pour l'heure, je ne me reconnais pas tant dans cette famille, néanmoins je constate que je suis passé (ou revenu) d’une forme d'incompréhension suspicieuse à un respect sincère pour ces artistes qui ne se contemplent pas, ou très peu, et qui continuent de produire obstinément et plus ou moins secrètement.

La pro-motion, c’est la faveur, l’accompagnement, le soutien, le soin, l’upgrading, la croissance, le packaging, la vitrine, l’entretien délibéré du mouvement initial mais qui n’est alors plus ni le mouvement initial ni son objet, même pas une ex-croissance (ce qui serait une autre œuvre) mais constitue un nouveau contenant, une forme de forme bâtarde, un enrobage plus ou moins seyant et toujours autonome : le post, le tweet, la newsletter, le dossier, le meeting, le site internet, la candidature, le discours, etc... Pour moi l’art n’est pas là. Il peut s’y rencontrer, c’est certain, je ne minimise pas l’existence d’un art de la promotion et tous ses métiers, mais moi-même, bien concentré, revenu en mon centre, il est clair que ce n’est pas mon art, ce n’est pas mon domaine, et il se trouve que la promotion, que dis-je, en ce qui me concerne, l’auto-promotion, à plein régime, m’est toxique.

Si je dois témoigner de ma gratitude envers les personnes, artistes, maîtres que j’estime (chose que je fais très spontanément lorsqu’une occasion se présente) je le fais d’une manière directe, une manière qui connecte nos travaux, nos préoccupations : l’énergie créatrice fondamentale, la musique, la composition, la théorie, la connaissance, la fête, la mutualisation, en sont.

Promouvoir la promotion, je ne le souhaite pas, c’est de mon point de vue donner une fausse piste aux récepteurs potentiels. Parce que se mettre à bégayer lorsqu'on passe du rôle d’artiste à celui de vendeur est peut-être davantage un signe de bonne santé de l’artiste qu’un signe d’incompétence du vendeur. Je ne dis pas non plus qu’il faille se couper de toute promotion, ça serait naïf et malhonnête de ma part. Et même, il est possible que nos velléités promotionnelles soient en rapport direct avec les forces originelles de notre poussée expressive. C’est-à-dire que la pro-motion peut tout aussi bien matérialiser notre amour pour les créations et le désir légitime de les partager, de leur procurer une vie publique et, si possible, rémunératrice.

Mais ce que je veux dire, c’est que d’une façon générale il est sain de considérer les opposés, et alors comme dit plus haut, il est possible d’aimer l’opération plus que le résultat, le fait accompli et sa résonance.

À mi-chemin (une position toujours plus raisonnable d’après les Sages) il est possible d’aimer la fabrique autant que l'objet.

Mais alors parvenu jusque là, si l’un dans l’autre, et/ou le chemin lui-même et/ou l’accomplissement, l'achèvement des œuvres, constituent le succès véritable...

... Quoi d’autre au juste cherche-t-on ?

Sans aucun doute, un peu d'impressions, un peu de traces, un peu de gloire.

Ça va, comme on dit à Marseille.

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